Il y a deux manières très-différentes d'expliquer cette expression ; elles correspondent assez bien aux deux manières de conter
fleurettes : à chacun d'adopter celle qui caractérisera les moyens de persuasion qu'il emploie pour manifester ses sentiments.
La fleurette autrefois, dans le temps des monnaies de toutes les formes et de toutes les grandeurs, était une pièce d'une valeur de 20 deniers tournois ou 16 parisis ; elle devait son nom de fleurette aux petites fleurs dont elle était parsemée, comme l'écu devait le sien à l'écu des armoiries de nos rois. Qu'on admette maintenant que les fleurettes, malgré leur minime valeur, aient été assez puissantes pour tenir lieu d'éloquence, pour remplacer avec avantage les propos galants et les tendres discours, — et conter fleurettes se traduira littéralement par compter de la monnaie. Dans ce cas seulement, le verbe ne sera plus le même, et il faudra écrire compter fleurettes. Cette étymologie prosaïque est peu de notre goût ; elle ne répond pas à l'idée qu'on se fait des fleurettes et des amourettes ; elle empêcherait Molière et bien d'autres d'isoler le joli substantif fleurettes du vilain verbe compter,
... Et votre femme entendra les fleurettes.
( École des Maris, acte I, sc. III.)
elle est mesquine, désobligeante, et puis enfin, de nos jours, elle est trop invraisemblable. A supposer que les dames du temps de Charles VI fussent très-modestes dans leurs prétentions, il n'en est plus ainsi, et nous ne pourrions raisonnablement accepter cette explication monétaire, qu'en proposant à l'Académie de remplacer désormais compter fleurettes par les mots compter napoléons.
Conter fleurettes, ce n'est pas peindre la violence de sa passion, ce n'est pas non plus outrager ou corrompre, c'est encore moins faire un marché. — Conter fleurettes, c'est parler d'amour, avec la tête plutôt qu'avec le cœur, c'est faire des compliments gracieux, c'est dire des choses jolies, flatteuses, séduisantes, et cela dans un langage qui ne soit pas trop le langage de tout le monde ni de tous les jours ; c'est donc s'exprimer avec une certaine recherche et dans un style fleuri.
J.-J. Rousseau pense que « le jargon fleuri de la galanterie est beaucoup plus éloigné du sentiment que le ton le plus simple qu'on puisse prendre, » — et c'est en cela que les petites fleurs du discours, c'est-à-dire les fleurettes représentent justement les propos amoureux et légers de celui qui conte fleurettes. Il ne veut pas être sincère, mais agréable ; il veut plaire un instant, il ne prétend pas se faire aimer. « Ne soyez pas la dupe des fleurettes que l'on ne vous débite que pour vous surprendre. » (Saint-Évremond.) — Comme on l'a fort bien remarqué, notre conter fleurettes équivaut au rosas loqui des Latins : dire des roses, c'était dire des choses aimables et flatteuses.
Si la locution conter fleurettes n'avait pour origine ni les pièces de vingt deniers, ni les petites fleurs de rhétorique,
— ni la prose, ni la poésie, — d'où pourrait-elle venir? — A cette question, voici ce que répondent les auteurs du
Dictionnaire étymologique : « Conter fleurette ou florette ne viendrait-il pas de l'usage
où on aurait été d'écrire les billets doux sur du papier où des fleurs, de petites fleurs étaient peintes ou découpées,
tels qu'on en voit aujourd'hui. On aurait d'abord dit écrire, envoyer des florettes, et ensuite dire, conter
des florettes, ou fleurettes, c'est-à-dire conter des propos doux, semblables à ceux qu'on écrivait.
» — A vrai dire, nous ne le croyons pas.