On lit dans l'histoire du parlement de Paris, au chapitre consacré au supplice d'Anne Dubourg :
« Le cardinal de Lorraine, qui avait la première place dans le conseil, voulut, pour se rendre encore plus nécessaire, établir en France l'inquisition, et il y parvint même enfin à quelques égards. — On n'institua pas, à la vérité, en France, ce tribunal, qui offense à la fois la loi naturelle, toutes celles de l'État, la liberté des hommes et la religion qu'il déshonore en la soutenant ; mais on donna le titre d'inquisiteur à quelques ecclésiastiques qu'on admit pour juges dans les procès extraordinaires qu'on faisait à ceux de la religion prétendue réformée ; tel fut ce fameux Mouchy qu'on appelait Démocharès, recteur de l'université. C'était proprement un délateur et un espion du cardinal de Lorraine ; c'est pour lui qu'on inventa le sobriquet de mouchard, pour désigner les espions; son nom seul est devenu une injure. »
Mézeray avait exprimé cette opinion avant Voltaire, et beaucoup l'ont répétée depuis. Tous les récits historiques, toutes les biographies où il est question d'Antoine de Mouchy, ne manquent pas d'ajouter que c'est de son nom qu'on appela mouches et mouchards ceux qu'il employait à rechercher les protestants, et que, depuis, ce nom est resté aux espions de la police.
Mais on n'avait pas attendu les exploits de l'inquisiteur Démocharès pour désigner ainsi les espions. Ils avaient été comparés aux mouches qui s'introduisent partout sans qu'on les aperçoive, qui partout cherchent pâture, et le verbe moucher s'est longtemps employé pour épier. Dans un drame du commencement du xv° siècle, une suivante dit à des sergents :
Vous estes tien à de loisir
D'aller à ceste heure moucher,
Il est temps de s'aller coucher.
La comparaison, au reste, date de loin, car le mot musca avait la même acception figurée chez les latins. Ainsi que l'a remarqué Charles
Nodier, on en trouve plus d'un exemple dans Plaute et Pétrone.