Il y avait autrefois à l'entrée des prisons une salle où l'on retenait les prisonniers pendant quelques jours pour les laisser voir aux gardiens. On voulait par là familiariser ces derniers avec le visage des nouveaux venus, et les mettre à même de déjouer, au besoin, toute tentative d'évasion.
Plus tard, on exposa dans cette même salle les cadavres retirés de la rivière ou trouvés ailleurs, et l'on admit le public à venir les reconnaître par un guichet pratiqué à la porte. Jusqu'en 1804, cette exposition des cadavres eut lieu dans la basse geôle dépendant de la prison du Grand-Châtelet.
Elle fut transférée à cette époque sur le quai du Marché-Neuf, dans un petit bâtiment spécial qui disparaîtra bientôt sans doute, car la Cité est en voie de transformation.
Cet endroit, où les guichetiers examinaient les nouveaux écroués, et où l'on exposait les corps des personnes trouvées mortes hors de leur domicile, reçut le nom de Morgue. A ceux qui pourraient se demander pourquoi, Vaugelas répond : parce que morgue est un vieux mot français qui se disait pour visage.
Mais on a dit aussi que morgue servait à désigner autrefois un regard fixe, scrutateur, et la vérité
sans doute est là, car on explique assez bien de cette manière le sens figuré du mot : suffisance mêlée d'orgueil,
expression méprisante et hautaine